Traditions familiales et contrôle des naissances

Dernières modifications : 21-Nov-2018

 

Devant le taux de fécondité, au Niger, un des plus élevé au monde, une fenêtre d’espoir s’entre-ouvre…

 

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« Article de Mina Kaci, journaliste, publié le 18 août 2016 sur le site internet de TV5MONDE France Belgique Suisse (FBS) – France

  « Planification des naissances, une révolution familiale au Niger »

Au Niger, des chefs coutumiers tentent de faire évoluer les traditions familiales en poussant au contrôle des naissances et donc à l’extension de la contraception. Des évolutions freinées par les conservateurs proches du pouvoir à Niamey.

Sans bruit ni fureur, une révolution est en train d’ébranler les préjugés sur la planification familiale à Zinder et Dosso, deux régions du Sud du Niger, pays d’Afrique de l’Ouest, où le taux de fécondité est le plus élevé au monde, avec sept enfants par femme en moyenne. A la tête de la révolution : la chefferie traditionnelle, accompagnée par le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA), unis pour que           « cesse la souffrance infligée aux femmes », explique le sultan de Dosso, Maidanda Djermakoye.

Mon époux et moi avons décidé de nous arrêter au cinquième enfant
Haoua Mamane, 22 ans

Zainabou Mitchikane et Haoua Mamane, jeunes femmes de vingt-deux ans, vivent au fin-fond de la brousse, l’une à Tanout ; l’autre à Zabori, deux villages noyés dans l’immensité de ces régions. Toutes deux expriment leur « bonheur » de pouvoir « espacer les naissances » en utilisant la contraception. La première, élève à l’Ecole normale, mère d’une fillette, y a été sensibilisée depuis juin 2013. La seconde, bergère éduquant quatre enfants, l’a été en mars 2016. « Je suis allée à une rencontre convoquée par le chef traditionnel de mon village, en mars 2016. Il a insisté sur les bienfaits de la planification familiale. Il a aussi parlé des conséquences des mariages et des grossesses précoces », dit Haoua Mamane. « Je me suis reconnue dans ses paroles. Il est vrai que les temps sont durs, on ne trouve même plus de quoi faire manger notre bétail dans la brousse. On doit espacer les naissances. Mon époux et moi avons décidé de nous arrêter au cinquième enfant », souligne t-elle.

La contraception est arrivée comme un cadeau
Zainabou Mitchikane, 22 ans

En écho, à l’autre bout du Niger, Zainabou Mitchikane se réjouit : « La contraception est arrivée comme un cadeau. J’ai été obligée d’arrêter ma scolarité pendant une année après ma grossesse. Or, je voulais à tout prix reprendre mes études et devenir enseignante avant d’avoir un deuxième enfant. »

Les regards de Zainabou et de Haoua s’illuminent quand elles évoquent l’implant (méthode contraceptive la plus utilisée dans les villages) qui a bouleversé leur vie. Combien d’autres femmes des régions de Zinder et Dosso ont-elles éprouvé le soulagement de ne plus enfanter d’une année sur l’autre ? Les chiffres montrent une évolution encourageante. A Dosso, par exemple, le taux de la contraception est passé de 18,66% en 2014 à 29,88% en 2015.

Une progression qui revient sans conteste à l’implication de la chefferie traditionnelle qui a fait de la planification familiale un combat prioritaire.

Des chefs traditionnels à l’assaut des traditions

Installé sur le trône, au palais, le sultan Maidanda Djermakoye déclare : « Il faut faire le nombre d’enfants que l’on est capable de nourrir et éduquer. » La parole du sage est relayée par les milliers de chefs coutumiers de cantons ou de villages lors des causeries qui rassemblent les habitants, hommes et femmes confondus. « Comment une femme peut-elle s’épanouir avec un bébé dans le dos, un enfant qu’elle traine par la main et un troisième à venir ? », explique Alahassane Albadé, le secrétaire général de l’Association des chefs traditionnels du Niger.

Forts de leur union et de leur partenariat avec l’UNPFA, ces gardiens des valeurs ancestrales sont en train de chambouler les normes sociales préjudiciables à la santé et aux droits des femmes. « Nous demandons aux imams de ne pas célébrer le mariage si la fille est encore une enfant », précise Alahassane Albadé. Il poursuit : « Tôt ou tard, on arrivera à stopper les mariages et les grossesses précoces. Nous recevons déjà de nombreuses jeunes filles qui se sauvent de chez elles et viennent nous demander notre protection. »

Un gouvernement réticent

La chefferie traditionnelle ne ménage pas ses efforts pour imposer au gouvernement la mise en place d’une loi sanctionnant ces unions enfantines, lesquelles induisent des grossesses adolescentes, car chacune des filles se doit de prouver sa fécondité dès la première année des épousailles.

Fermé à la sollicitation des chefs coutumiers, le gouvernement est davantage sensible à la pression qui s’exerce à son égard de la part des conservateurs, qui refusent toute législation dans ce domaine. Mais Alahassane Albadé se dit « confiant » en estimant que « la loi peut voir le jour d’ici à la fin du mandat, peut être même en 2018, à condition d’avoir l’appui des femmes et des jeunes ». L’affluence des populations féminines et juvéniles dans les multiples rencontres est-elle le signe que la révolution silencieuse est en marche ?

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